Ce principe établi, Guillaume Peureux cite et commente des poèmes de Corneille,
Malherbe, Motin, Saint-Amant et Théophile de Viau, à la recherche du discours «
encrypt[é] » dans la pratique métrique de chaque poème. Une étude de la forme de
la stance, dans laquelle l’auteur voit non pas une sous-catégorie singularisée
mais un quasi-équivalent métrique de la strophe, clôt le chapitre. Bien que le
mot « stance » soit d’origine italienne, cette dénomination aurait « permis de
manière artificielle de nommer des strophes à la française », en donnant
virtuellement une identité métrique à des représentations
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5819 typiquement françaises de la poésie : clarté de la langue, esprit et
virtuosité.
Guillaume Peureux étudie ensuite la métrique des vers simples
(sans césure, de moins de huit syllabes) et complexes (césurés, à partir de huit
syllabes). Il rappelle la « loi des huit syllabes » de Benoît de Cornulier, qui
est venue expliquer a posteriori cette bipartition française : puisque l’on ne
peut percevoir sans erreur une régularité syllabique de plus de huit syllabes,
il faut, pour qu’un vers de neuf syllabes ou plus existe
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5854 métriquement, que son mètre soit analysable par le cerveau comme
composé de deux sous-mesures perceptibles. Pour traiter du problème de
l’articulation des deux parties d’un vers complexe, Guillaume Peureux reprend la
distinction établie par Benoît de Cornulier, entre ce qui relève du mètre et ce
qui relève de la syntaxe, entre la césure comme « frontière syntaxique » et la
frontière métrique entre les deux sous-vers d’un vers complexe. Il propose une
analyse critique des discours sur la césure du XVIe au XIXe siècle, puis rend
compte de la proscription, à partir du XVIe siècle, des césures épiques et
lyriques. Jusqu’à Marot, le vers complexe est pensé comme une succession de deux
vers simples (ce qui justifie la césure épique qui traite, en ne le prononçant
pas, le e situé juste après la frontière métrique comme s’il était à la toute
fin d’une rime féminine). Mais à partir de la Pléiade, les poètes cherchent à «
donner au vers composé l’allure la plus synthétique possible » : la césure
épique est donc rejetée, non seulement parce qu’elle contrevient au principe
général de la pertinence métrique du e muet devant consonne ou mot non jonctif,
mais aussi parce qu’elle suggère une conception devenue archaïque du vers
complexe. La césure lyrique (un e muet conclusif à
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5825 la césure) est quant à elle sentie comme disgracieuse car elle place le
e muet, amuï dans la langue, sur une position métrique qui mène à l’accentuer,
ce qui crée une trop forte distorsion entre l’usage linguistique
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5815 et l’usage poétique.
Dans le cinquième chapitre, Guillaume Peureux
examine les questions de la concordance et de la discordance entre mètre et
syntaxe. Il demande de la prudence dans les analyses : de 1650 à 1800, mis à
part dans les genres bas ou pour des effets comiques, les poèmes français ne
comporteraient que des discordances faibles, voire n’en présenteraient aucune.
Une définition stricte de la discordance sera en effet donnée en fin de chapitre
(il y a discordance « quand une coupe métrique […] ne coïncide avec aucune coupe
possible […] dans le discours ».