Les objets qui se situent au-delà des relations d'accessibilité logique ne sont
pas des mondes, ce sont comme des collections disparates de propositions. Mais
l'adhérence stricte à la logique est une condition trop draconienne en ce qui
concerne les mondes fictionnels. Il existe des textes qui enfreignent la logique
mais qui présentent tout de même des mondes imaginables. Parmi ces textes : les
récits de voyage dans le temps qui créent des boucles causales; la métalepse,
qui
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5325 permet aux personnages de transgresser les frontières ontologiques et
d'accumuler des propriétés contradictoires (à la fois fictionnels et réels) ;
les mondes où le passé est soudainement changé; ou encore les monde où l'espace
est impossible. On peut donc distinguer trois types de textes : (1) Textes à
mondes logiquement cohérents. L'équivalent en peinture serait une œuvre qui
représente un sujet de manière relativement réaliste. (2) Textes à mondes dit «
de fromage suisse » : il y a des gouffres où la logique est transgressée, mais
ces gouffres sont clairement délimités, comme les trous dans le fromage, et le
lecteur peut appliquer le principe de l'écart minimal pour les régions du texte
qui correspondent au fromage. C'est l'équivalent littéraire des peintures
d'Escher ou de Magritte. (3) Textes sans monde, qui sont l'équivalent de
peintures abstraites : poésie concrète; textes bâtis systématiquement sur le
gommage et la contradiction ; textes où les objets décrits se métamorphosent
continuellement.
Mondes possibles et théorie de la fiction
On peut donc
admettre que les textes fictionnels projettent un monde (ou des mondes) ; mais
quel est le statut ontologique de ces mondes ? Pour la plupart des philosophes,
les mondes possibles sont complets : chaque proposition est vraie ou fausse, et
il n'y a pas d'indétermination. Mais les mondes fictionnels sont créés par un
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5212 nombre
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5340 limité de propositions, celles qu'affirme ou qu'implique le texte. Il
faut donc adapter le
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1688 modèle pour appliquer le concept à la fiction. Il existe deux solutions
à ce problème. Lubomír Dolezel pense que les mondes fictionnels diffèrent des
mondes des logiciens parce qu'ils sont radicalement incomplets. Il n'y a pas un
« nombre d'enfants de Lady MacBeth », parce que le texte ne le dit pas. C'est un
manque ontologique: Lady MacBeth est une créature textuelle (ne disons pas une
femme) qui n'a pas un nombre déterminé d'enfants. Dolezel défend son idée de
l'incomplétude des mondes fictionnels en nous disant qu'elle permet d'attribuer
une valeur esthétique, un
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5803 sens, à ce que l'auteur ne nous dit pas. Par exemple le fait que Mme de
Lafayette ne nous décrit pas ses personnages, alors que Balzac le fait en grand
détail, est un trait distinctif des mondes fictionnels de leurs romans, et ce
trait est porteur d'une grande importance pour apprécier l'art littéraire de ces
auteurs. Ma propre solution repose sur une disjonction entre ce que le lecteur
sait et ce que le lecteur imagine.
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