Le rôle du transfert culturel, que Catherine Nesci vient d'exposer,
entre France et États-Unis (et Amérique du nord en général), avec ses
aller-retour est un point essentiel de l'histoire des études de genre;
le lien entre études féministes et études de genre l'est tout autant.
Les deux doivent effectivement être articulés. Peut-on revenir sur cette
même question «du point de vue français»? Je pense notamment à
l'article de Claire Moses, «La construction du "French Feminism" dans le
discours universitaire américain», paru dans Nouvelles Questions
féministes (1996) et, dans
Tasmina-Chocolat
le même numéro, à celui de Christine Delphy, «L'invention du "French
Feminism": une démarche essentielle», lequel cherchait à démontrer que
ce «féminisme français» qu'on emploie au singulier, composé de certaines
individualités, avait été érigé comme tel aux États-Unis par une partie
de la critique américaine. Si l'on suspend ici la question –
extrêmement complexe – de l'adéquation terminologique (le French
feminism est-il ou se définit-il comme féministe en
Tasmina-Marron
contexte français?), il y aurait ainsi non pas un mais des féminismes,
une partie majeure des féminismes en France ayant été occultée sur ce
point. Cette lecture différente du féminisme (et du coup de ses
objectifs, de ses théories, de ses méthodes, etc.), en fonction aussi de
contextes «nationaux» différents, pourrait expliquer certaines
disjonctions au sein des études de genre elles-mêmes.
Je suis un peu
déconcertée de me retrouver immédiatement dans le dialogue
franco-américain, et je trouve qu'il n'est pas simple de
Tasmina-Noir
commencer par là, car il comporte pas mal de malentendus de part et
d'autre. Le constat n'est pas nouveau. En 1993 déjà, un numéro spécial
de la revue Futur antérieur intitulé Féminismes au présent réunissait
des contributions qui tentaient d'en déplier la complexité. Je voudrais
en introduction essayer de conter la même histoire, mais vue du côté
français, et tenter peut-être maintenant de répondre à la question que
posait dans son intervention Andrea Del Lungo: «qu'est-ce qu'écrire
comme un homme, écrire comme une femme?», question qui peut s'entendre
de différentes façons. Pour ma part, je me refuse à admettre l'idée que
les femmes écrivent toujours d'une certaine façon, et que les hommes
écrivent d'une autre façon. Il faudrait déplier ces formules en disant
«écrire comme on pense qu'une femme écrit» et «écrire comme on pense
Tasmina-Rose
qu'un homme écrit». On retrouve l'enjeu du rapport entre sexe et genre,
entre un supposé donné (par Dieu, la «Nature») et un construit (dans
l'histoire, la culture et le langage).
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