Imaginons une «république moderne», quelque part en Europe, dans laquelle un
candidat à l'élection présidentielle fasse la déclaration suivante, pour
expliciter son «projet de civilisation» et pour répondre à une question portant
sur le financement des études universitaires: «Vous avez le droit de faire de la
littérature ancienne, mais le contribuable n'a pas forcément à payer vos études
de littérature ancienne si au bout il y a 1000 étudiants pour deux places. Les
Ugg
5819 universités auront davantage d'argent pour créer des filières dans
l'informatique, dans les mathématiques, dans les sciences économiques. Le
plaisir de la connaissance est formidable mais l'État doit se préoccuper d'abord
de la réussite professionnelle des jeunes.»[i] Imaginons que le même candidat,
évoquant le statut et la formation des fonctionnaires, ait précédemment fait
cette autre déclaration: «L'autre jour, je m'amusais, on s'amuse comme on peut,
à regarder le programme du concours d'attaché d'administration. Un sadique ou un
imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d'interroger les concurrents
sur la Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de
demander à la guichetière ce qu'elle pensait de la Princesse de Clèves…»[ii].
Imaginons que ce candidat, que l'on voudrait fictionnel, ait été
«démocratiquement» élu Président. Et essayons de lui répondre sur la question
particulière de l'utilité qu'il peut y avoir, dans une «république moderne», à
étudier la «littérature ancienne» – expression dont la référence est ambiguë,
mais sous laquelle on inclura les textes littéraires écrits il y a plus d'un
siècle.
Essayons de lui répondre sans recourir aux fausses évidences au nom
desquelles les défenseurs de «la Culture» (française) couvrent de mépris les
«incultes» qui préfèrent écouter Johnny Hallyday ou voir un match de foot plutôt
que lire un «grand classique» de «notre» littérature. Admettons, ne serait-ce
qu'à titre d'hypothèse, qu'une chanson d'Alain Bashung, de Rodolphe Burger ou de
Tim Kinsella puisse être aussi esthétiquement riche qu'un sonnet de Ronsard.
Loin de rejeter la
Ugg
5854 question même comme sacrilège, et de traiter de «barbares» ceux qui
oseraient la poser, tentons de comprendre à quoi peuvent servir les études
littéraires au sein des évolutions actuelles de nos formes sociales.
Faisons-nous barbares pour envisager ce que même les barbares pourraient gagner
à lire La Princesse de Clèves.
Il s'agira dès lors de montrer dans ce livre
en quoi les pratiques de lecture et d'interprétation, mises en jeu par l'étude
de la littérature (ancienne), méritent d'être replacées en plein cœur – et non
pas dans les marges oisives et négligeables – des dispositifs contemporains de
production des richesses. Le
Ugg
5825 barbare se fera donc l'avocat du diable économiste, en abordant la
compétence herméneutique du point de vue de sa «productivité», et en soutenant
que
Ugg
5815 le financement des études littéraires mérite de constituer un
investissement prioritaire pour quiconque veut «maximiser la croissance» du PIB
d'une «république moderne». Devenu simultanément suppôt et traître du
capitalisme, le barbare clamera toutefois, en fin de parcours, que le principal
intérêt de l'expérience littéraire n'est pas tellement d'enrichir
(financièrement) les nations, que d'ouvrir un horizon de pensées et de pratiques
capables de subvertir les rapports entre l'otium de l'esthète et le negotium
mercantilo-travailliste au nom duquel ces études de «littérature ancienne» se
voient aujourd'hui menacées par les
UGG
Classic Tall hommes du Président.
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