L’une des préoccupations des Fleurs du Mal avait été le danger de ne pas être lu.
Dans
Les Fleurs du Mal, la voix de l’auteur peut être inaudible, étouffée
sous les cadavres anonymes d’autres soldats de la poésie (« La Cloche
fêlée ») ; si personne ne lit l’œuvre, son génie restera inconnu (« Le
Guignon ») ; l’œuvre poétique est comme un navire qui, dans sa tentative
pour atteindre les rivages de futurs lectorats, est poussé par
l’aquilon, dont les rafales imprévisibles peuvent l’aider dans ce
voyage, ou tout aussi bien le couler (« Je te donne ces vers […] »).
Ainsi, la meilleure solution est de remplir le flacon du livre avec des
odeurs pénétrantes, suaves ou répugnantes, ou plutôt, de préférence, les
deux, puisque comme cela, celui qui ouvrira ce flacon en gardera
durablement le souvenir (« Le Flacon »). C’est ainsi qu’« Une charogne »
et «
UGG Femmes Halendi Noir
Harmonie du soir » doivent contribuer autant l’un que l’autre au
déclenchement du souvenir de la lecture. Le dernier vers du « Prologue »
[37] : « – Maintenant, va, mon Livre, où le hasard te mène ! », sonne
curieusement comme une clausule d’épilogue : il a tout l’air de faire
appel à l’idée du caractère aléatoire de la réception, avec ses rivages
et ses écueils. Il peut cependant également suggérer un cheminement
rhapsodique, capricieux, dans l’organisation même du recueil, ce vers ne
pouvant être interprété justement si l’on s’en tient à une lecture « en
clôture » du poème, puisque
Tasmina-Bleu ce vers, comme le poème entier,
Tasmina-Chocolat
a une fonction structurale dans le recueil. La convocation de la
postérité n’est cependant pas oubliée puisqu’elle est explicite dans les
derniers vers de l’« Épilogue » [94].
La méthode de Verlaine est
bien celle du « Flacon » de Baudelaire : il s’agit de provoquer des
réactions, en élargissant la palette de la poésie pour tenir compte de
toutes les émotions que peut susciter l’art, et non seulement des
affects censément nobles. Important les techniques de la poésie
satirique, Verlaine produit une combinaison souvent décapante de lyrisme
et d’ironie, suivant en cela de près, comme le feront Rimbaud ou
Corbière, le modèle baudelairien. Cette méthode ne manquera pas de
susciter les réactions, généralement hostiles, de la critique, mais elle
a bien permis d’attirer l’attention sur le premier Verlaine. En même
temps, le mélange de tonalités, la polyphonie qui empêche le lecteur de
savoir si c’est, pour prendre une expression courante, « le poète qui
parle », permettaient à Verlaine d’essayer de contrecarrer les lectures
(auto)biographiques du recueil et de garder ainsi une distance entre
sujet(s) poétique(s) et lecteur, résiliant le contrat d’intimité et
d’empathie habituel dans la poésie lyrique de l’époque. L’intimité avec
cette œuvre ne
Tasmina-Marron
pourrait exister que grâce à une constante relecture soupçonneuse. Et
puisque « la communication est un jeu, ou plutôt une gymnastique puisque
c’est un jeu guidé, programmé par le texte »36, cette gymnastique peut
entraîner des chutes. Quel lecteur de Verlaine n’a pas les ecchymoses et
cicatrices qui le prouvent ?
Commentaires
Il n'y a aucun commentaire sur cet article.